Dans moins de 12 heures, je serai partie.
Mes doigts ont automatiquement arrete de taper apres avoir ecrit cette phrase.
Je ne le realise pas.
Je suis a l'aise ici. "Elle est folle" vous dites-vous ?
Je commence a comprendre les subtilites indiennes... alors que lors de mon voyage l'an passe et au debut de ces 4 mois, je pensais les connaitre... Fooled. Je suis partie de ma zone de confort pour evoluer ensuite dans un tourbillon de couleurs, de differents langages, de religion, de turbans, d'odeurs.... qui m'etaient inconnus, qui me fascinaient certes, mais qui n'avaient pas encore toute la signification qu'ils revaient aujourd'hui... et surement moins que demain, avec un certain recul que j'aurai a prendre !
C'est donc dire que le temps a ete une variable majeure dans cette relation indienne : on a toujours tendance a le sous-estimer. Enfin, j'ai toujours tendance a le sous-estimer. C'est facile d'etre orientee productivite et resultats quand on a des objectifs clairs. Mais quand il faut premierement s'adapter a un nouveau rythme, quand tout est a apprendre et a batir, quand tout est non seulement different mais nouveau en meme temps, quand on a une soif de decouvrir et de comprendre "ici-maintenant" comme on est habitue a Montreal, on ne sait plus par ou commencer et je comprends maintenant que c'est seulement le temps qui nous permet d'assimiler tous les details, de les vivre au quotidien en plus de fournir plus d'opportunites pour experimenter ou tirer nos propres conclusions (ou hypotheses!) sur telle nuance X de comportement. Vous devez trouver ca evident... mais pour une workolique comme moi, ca n'a pas ete facile de me laisser le temps. Le simple fait de passer une apres-midi a prendre un chai (the indien epice) au soleil m'angoissait puisque je sentais que je n'etais pas "productive". Meme si c'est un anglicisme, le mot "efficiente" sonne plus juste. "Voyons, je suis dans un autre pays, let's go, "chall-o" comme ils disent ici, il y a tant a voir et a faire". Mais non. Ce sont justement ces apres-midi/soirees la qui m'ont le plus appris. A partager. A discuter. A observer les gens, les animaux, les va-et-vient, les sons, les odeurs dans un environnement statique. J'ai appris a prendre ca relax. Apres 4 mois vous direz, y'etait temps ! Des fois je me demande meme si je suis vraiment relax... Ca n'a pas ete evident d'assumer que meme si j'etais en "voyage", ben oui, des fois, ca me tentait de rien faire. Comme ca me tente a Montreal, un week end pluvieux, de regarder une saison complete de Prison Break d'un seul coup.
Maintenant, ces petits details auquels j'ai eu a m'habituer font partis de mon quotidien. Par exemple, je vous ai dit que je ne me souviens plus de la derniere fois que j'ai pris une douche ? Ah oui, Noel, pour 2 jours, parce qu'on s'est paye une belle chambre... sinon... j'ai developpe ma technique pour me laver et revitaliser les cheveux avec un seul seau d'eau chaude. Un detail... oui...
Qu'est-ce que l'Inde ?
J'etais la premiere a dire :
- "Ah... Mumbai, c'est pas l'Inde, c'est vraiment ouvert, Hollywood, Westmount."
- "Ah... Goa, c'est pas l'Inde, c'est la cote est americaine, les bikini, les bars."
- "Ah... McLeod Ganj, c'est pas l'Inde, c'est le Tibet."
- "Ah... le Nord, c'est pas l'Inde, c'est l'Hymalaya."
- "Ah... Hyderabad, c'est pas l'Inde, c'est Silicon Valley."
- "Ah... Amritsar, c'est pas l'Inde, c'est le Punjab."
- "Ah... le sud, c'est pas l'Inde, c'est l'Amerique du Sud."
- "Ah... le Rajasthan, c'est pas l'Inde, c'est overated."
- "Ah... Varanasi, c'est l'Inde."
Je retire mes mots...
Y'a pas que Varanasi et son Ganges... ou l'ancien Benares... qui est l'Inde.
La beaute de l'Inde, c'est justement que tout est different.
Sa richesse, c'est sa diversite...
Et sa richesse, c'est aussi ses gens...
OK, ils ne sont pas parfaits : ils se battent, ils peuvent mentir, ils peuvent faire des tours de passe-passe comme on fait aussi a Montreal. Mais plus que les autres dans le monde : ils savent aimer. Et ils se respectent.
Encore chanceux ! Ils sont plus d'un milliard ! Je vous jure que si on etait autant au Quebec, on s'entretuerait. En plus de s'aimer, ils sont genereux. De la tasse de chai offert par un pecheur du Kerala, au conducteur prive de voiture d'un ami d'un ami d'un ami d'un ami a ma disposition 24/7 a Bangalore, en passant par le seul bonbon de Muskan (5 ans, bidonville de Khar), les discussions qui ont touche Smita et les sourires gratuits des gens dans la rue. Wow. On ne trouverait pas ca a Montreal. Mais pourquoi pas ? Ca fait reflechir... Je vous mets au defi de sourire dans la rue ou dans le metro a Montreal, on vous prendra pour un heberlue...
J'essaie de vous decrire un peu ce que je vois, je sens...
Odeurs : Au debut seulement. Mon premier commentaire en descendant les marches de mon appartement a Mumbai : "Hum ! Ca sent l'Inde !"... avec un sourire. J'ai lu qqpart une description juste : "It's the worst good smell in the world". Je trouve que ca rend bien. Mais qu'est-ce que ca sent au juste ? Ca sent la mer -ou le poisson- surtout au coin de chez nous, le metal des machines, le courage, la poussiere, 10 000 resto, 5 000 temples, ca sent les bazaars de parfums, d'epices, d'encens, de fleurs fraichement coupees, ca sent la survie, les dieux, les demons, ca sent la merde, oui, d'humains, de vaches, de rats, ca sent la friture, ca sent le chai, ca sent les bidi, c'est petites cigarettes indiennes. Je m'ennuie de ce premier instant ou j'ai senti. Maintenant, ca fait parti de moi et je ne sens plus. Plus autant du moins. Je me demande ce qu'ils sentiraient s'ils venaient a Montreal ?
Sons : Qu'est-ce que j'entends ? J'entends rire. J'entends des klaxons pour rien, des "allo-allo" des chauffeurs de rickshaws, des cling-cling de bracelets aux bras et aux chevilles des femmes, j'entends les vaches meuler, les chiens japper et se battre, les coqs me reveiller a 4-5hrs du matin, j'entends la musique religieuse a Amritsar, le bruit de la vaisselle en metal qui se cogne, j'entends les gorgees de chai qui se boivent, j'entends les enfants jouer, j'entends parler Hindi et je reconnais maintenant quelques mots que je m'amuse a repeter, j'entends les hommes cracher le pan, du tabac, qu'ils mastiquent et remastiquent et crachent par terre pour n'en laisser qu'une flaque rouge.
Animaux : Vaches sacrees, buffalo, singes, rats, chiens, chats (vegetariens!), anes, chevaux, chevres, coqs, taureaux, chameaux, elephants, vautours, kingfisher, antilopes...
Peuple : Cachemire, Punjab, Rajasthan, Kerala, Tamil Nadu, Tibet... caste guerrier, brahmanes, intouchables... Hindu, musulman, bouddhiste, chretien, parsee, jain... peau pale, peau foncee... cheveux noir, cheveux orange a l'henne... bindhi, bracelets verts, rouges, or, saris bleu, rouge, jaune, orange, voile noir, dothi blanc... C'est la beaute incomparable de l'Inde...
Ce que je vois :
- Femme en sari bleu et or qui s'arrete pour demeler le bout de sa longue tresse noire
- Homme de 60 ans qui pousse des sacs de sable sur un chariot
- Ecriteaux ecrits soit en hindi, en tamoul ou en anglais... parfois en arabe...
- Petites shop en bordure de rue vendant cigarettes, livres, henne, vetements...
- Femme qui donne le "bain" a son petit, tout habille, sur le bord de la rue avec une tasse en metal a meme un seau d'eau
- Homme qui conduit des chevres avec cloches autour du cou et dos rempli de poches de gravel
- Vaches entourees de mouches se faisant respectees dans la rue, sur leur passage entre 2 rickshaws, 1 autorickshaws, motos et pietons
- Homme qui se rase, accroupi, en face d'un mirroir craque
- Enfants jouant partout, souriant, sans jamais pleurer
- Hommes et femmes portant des seaux d'eau
- Sourires et rires
- Hommes autour d'un stand prenant un chai
- Femmes nettoyant la rue avec un espece de balais a trois poils
- Pieds nus partout
- Couleurs
- Fierte de la moustache
- Entraide : petits freres dans les bras des petites soeurs
- Homme crachant son pan juste a cote
- Femme qui boit au goulot de sa bouteille de 7up Fido Dido en verre, sans jamais toucher le goulot avec ses levres
- Rues en pierre usees par les va-et-vient depuis les annees
- Homme qui mange un samosa dans sa soucoupe de feuilles de palmiers sechees
- Femme qui transport un lourd panier de fruits sur sa tete, sans le tenir avec aucune main
- Homme qui dort sur son rickshaw
- Restaurants-stand dans la rue vendant pakora
- Maisons collees l'une a l'autre laissant qu'un petit passage entre chaque tarp bleue, bout de plastique et planche de tole qui constituent les toits des slums...
- Fierte d'un peuple qui veut a tout pris t'aider en te donnant une reponse, meme s'ils ne savent pas la reponse. Aucun malice en arriere de cet acte...
- Et le plus symbolique : les mouvements de tete vascillant de droite a gauche (un espece de "pas sur" au QC), doubles d'un grand sourire. Ce langage non verbal signifie "OUI", "I AGREE WITH YOU" ou tout simplement, dans le train, un "I'M PEACEFUL MAN. I DON'T MEAN ANY HARM"... Annie ajouterait que j'en ai pris l'habitude, en disant simultanement le "HAN", qui veut dire "OUI", meme quand je parle francais avec elle... ;-)
Transports : Autorickshaw, rickshaw, ox, chameaux, elephants, taxi, moto, bus crowde a 200%, trains sleeper, AC...
Expressions anglaises les plus utilisees par les Indiens : Actoully, What to do?, What happened?, What is your goodname ?, Come visit my shop, Pashmina, Silver jewelry, Where're you from, England ?, No change, Auto, Allo, ...
Mots Hindi que j'utilisais le plus souvent :
- Han : Oui
- Nahi : Non
- Bahut acha : Tres bien
- Namaste : Bonjour, Aurevoir... avec respect, en joignant les mains
- Chall-o : Let's go
- Tikke : Bien dans le sens "Ca va bien" ou "j'ai compris"
- Kitna hay : C'est combien ?
- Soono : Ecoute
- Apka naam kya hay : Quel est ton nom ?
- Bass : Assez
- Chai Cha-i-e : Je veux un chai
- Thenda pani : Eau froide
- Garang : Chaud
- Ek-do-teen : 1-2-3
Benevolat : Mon nom etait CaroDidi... je n'oublierai jamais tout ce que j'ai appris et a quel point je suis redevable a ces enfants. Ils ont une chaude place dans mon coeur et je me demanderai toujours ce qu'ils deviendront...
- Manorama et ses freres Ajay et Vidjay, qui se faisaient battre devant nous, qui n'osaient pas ouvrir leurs jambes pour faire des jumping jack avec moi parce qu'abuses sexuellement et qui ne savaient meme pas comment utiliser une toilette "squwat" indienne parce que habitues d'aller n'importe ou autour de la maison...
- le petit Jitu de Delhi que je n'ai pas revu dans mes derniers jours a Nallasopara...
- la famille de Sarita, dont le mari est mort ecrase par un train, laissant sa femme grosse comme un cure-dent et ses enfants Geeta -reservee, dont le corps est cicatrise par les piqures de maringouins infectes et les blessures de sa mere qui la frappe par habitude generationnelle-, Manju -brillante et plus extravertie, qui s'occupe de ses freres-, Sunil, Kishan, Ajay - qui louche-, Anil -qui n'avait qu'une palette a l'avant et qui a du se faire raser le coco a cause de pous- et le grand Parvin, qui nous donnait un coup de main a l'ecole en surveillant les pre-step... mais qui reste un adolescent qui n'a pas vecu sa jeunesse et qui doit jouer le role du pere absent...
- Parvin et Nasrin, deux soeurs belles comme des coeurs...
- Shilpa qui est retournee dans son village qui aimait les sciences plus que tout au monde... son frere Kishan qui avait du caractere, nous laissait savoir quand ca faisait pas son affaire, qui aimait prendre les poses les plus atroces devant la camera et qui dessinait tout le temps des poissons...
- Les plus vieux :
- Santosh et Vinod - les deux premiers enfants de l'ecole, maintenant adultes... Santosh etant un vrai macho et Vinod travaillant maintenant dans Colaba a vendre des cartes postales aux touristes, pour gagner un peu d'argent afin de se tirer d'affaires des poursuites judiciaires qu'il a sur le dos...
- Sunil, un artiste merveilleux...
- Ashok, un bouffon...
- Rakesh, silencieux et reserve, qui apprend a conduire pour etre chauffeur...
- Raju, indiscipline en classe mais tres brillant, le plus jeune de Step 8...
- les soeurs Rajeshree et Bajeshree, qui ont l'air des petites souris allumees et qui se sont fait un plaisir de jouer a la coiffeuse avec moi...
- la famille de Fatima, une mere de famille de 8 enfants, resplendissante, qui se fait battre par son mari (mais qu'au moins les enfants ne se font pas battre), qui travaille a l'ecole. Elle a fait tout un festin lors d'une fete indienne ou elle nous a recus dans sa cabane sur le bord de la route (sans electricite ni frigidaire...) la veille ou sa maison a ete demolie par la police... Mere de Bismilla, le plus vieux, tres intelligent, Dilshad, magnifique indienne sur qui je soupconne Santosh d'avoir eu le kick, Manilla, aussi brillante et radieuse, Reshma, notre cook hors pair qui a confie a Sofie qu'elle trouvait mes jokes poches (hum hum), Rukshaw se moquant toujours de Muskan infestee de poux et qui ne voulait rien savoir de se les faire enlever... et la petite qui se nourrissait au chai et a tout ce qui etait sucre... en attendant d'aller a l'ecole...
- Usha, moody, qui venait cuisiner au debut, mais qui a cesse... vivant dans un ascenseur avec son pere et son grand frere (je vous epargne les details)... qui avait le kick sur Jayenti...
- J'en passe j'en passe... et je m'en veux d'en passer parce que chaque enfant a son histoire...
Surtout : Tania, qui a parti l'ecole et a fonde l'organisation One! International. En fait, elle vit pour l'ecole, pour les enfants et pour leurs familles. C'est beau a voir. Je lui tire mon chapeau et je l'encourage a poursuivre, a garder cet enthousiasme, cette generosite sans borne, cette determination, ce devouement et surtout, cet amour pour ces enfants que je considere meme les miens, seulement apres 2 mois... imaginez elle !
Sur une touche plus humoristique -je me sens comme si je fais un speech de gala- thanks Josh, le copain de Tania, de m'avoir poussee a sortir au Toto's et au Avalon a consommer des Bacardi Breezers les vendredi, samedi et parfois dimanche soir ;-) merci aussi de m'avoir fait rencontrer Avi, gentleman...
Je n'oublie pas Amy, Verinderjit et Curtis... trois benevoles avec qui j'ai partage mon quotidien, 24/7, c'est a dire l'ecole, les repas, les temps libres, les dodos, les toilettes... tout quoi !!! Encore la, je pourrais en parler des heures.
Sofie : thanks... wow... j'ai partage 4 mois de ma vie avec toi... du temps de qualite (tu l'as deja entendue celle-la hein ?!) que jamais j'aurais cru avoir. Tu me manques deja. Je ne rajouterais pas que tu es une perle dans l'ocean, mais c'est ici que je le mets : J'ai d'la misere au calvaire, j'ai du ressentiment dans'l sang, c'est comme la rage dans une cage, er'tiens-moe, j'me devore le corps... un must... je t'aime grosse dinde !
Je ne peux pas l'expliquer, mais je sais et je sens que je vais revenir ici. Jamais 2 sans 3 ?
Comme Nathalie et Rene diraient : Tourne la page !!! Hein Sofie ?
Je voulais prendre la peine d'ecrire ceci avant d'etre catapultee dans la culture d'Hong Kong. Volontairement, je n'ecris pas chinoise.
A suivre...
2 commentaires:
CARRRRRRO!
Je dois t'avouer que j'ai verse une petite larme en lisant ta derniere entree. Eh oui, je te suis de Bombay! C'est peut-etre que je vis un peu la meme chose que toi en ce moment... mais je dois quand meme te faire remarquer que tu as oublie le rooster dans ta liste d'animaux. Tu sais, celui qui a perdu la notion du temps et qui nous reveillait -qui me reveille toujours- en plein milieu de la nuit.
Sinon, tout ce que j'ai a ajouter: j'ai d'la misere au calvaire, j'ai du ressentiment dans'l sang, c'est comme la rage dans une cage, er'tiens-moe, j'me devore le corps...
J'ai adore la reference a Rene et Nathalie!!!!
Je t'aime fort et tu me manques. En fait, tu me manqueras surement encore plus que l'Inde.
Je te fais une p'tite presence.
Clumsy Sofie XX
Pour tout ce que tu as écrit, je sais et je regrette de n'avoir pu rester plus longtemps en Inde.
Claude
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